26 septembre 2025

Contribution dialogue social et artistes-auteurs

Généralités

Les artistes-auteurs et autrices (« AA » ci-après) ont pour activité commune de créer des œuvres protégées par le code de la propriété intellectuelle.

Les AA ont tous le même régime fiscal et le même régime social.

Sont qualifiées de professions libérales les professions dans lesquelles l’activité intellectuelle joue le rôle principal et qui consistent en la pratique personnelle d’une science ou d’un art. Leurs titulaires exercent leur activité en toute indépendance – ce qui les distingue des salariés – et leurs biens et actes sont, en principe, régis par le droit civil, ce qui les distingue des commerçants.

Ainsi les AA sont fiscalement considérés comme faisant partie des professions libérales.

Socialement, ils sont rattachés au régime général et sont mentionnés dans les articles L382-1 et R382-1 du code de la sécurité sociale.

Il s’agit notamment des :

  • auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, y compris les traductions, adaptations, …
  • auteurs d’œuvres des arts visuels (arts plastiques, graphiques, photographiques, design, …),
  • auteurs d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques, …
  • auteurs d’œuvres chorégraphiques, sonores et musicales, …

Il en résulte une diversité de métiers (écrivains, plasticiens, graphistes, photographes, réalisateurs, scénaristes, compositeurs, chorégraphes, scénographes, traducteurs, etc.).

Cependant un même AA peut créer plusieurs types d’œuvres, donc exercer plusieurs métiers d’AA : on note un caractère de plus en plus interdisciplinaire de l’activité de création.

Parallèlement à son activité de création d’œuvres, un AA peut exercer simultanément n’importe quelle autre activité professionnelle, soit en tant que salarié, soit au titre de travailleur indépendant.

Enfin, l’exercice du droit syndical est reconnu en France à toutes les professions, y compris les professions non salariées dont font partie les AA.

État des lieux concernant la représentation des AA

Il existe une grande diversité d’organisations qui regroupent un ou plusieurs métiers d’AA. Ces organisations se sont créées au fil du temps, souvent en réaction aux difficultés rencontrées par les professionnels concernés. Certaines organisations sont très anciennes, d’autres plus récentes.

Cette diversité répond ainsi à la diversité des métiers qu’exercent les AA. Certaines organisations regroupent tous les métiers des AA, d’autres une partie des métiers des AA, d’autres se sont spécialisés par métiers d’AA concernant une même œuvre de collaboration (livre par exemple), d’autres se sont focalisées sur un seul métier d’AA ou encore se sont focalisées sur un seul métier toutes conditions d’exercice confondues (AA mais aussi salarié ou indépendant, voire aussi étudiants et/ou retraités).

Les périmètres des organisations d’AA sont donc très variés et de dimensions différentes. Toutes agissent au bénéfice des AA de leur périmètre choisi librement et constituent de précieuses ressources pour leurs adhérents.

Certaines ont pour objet exclusif la défense des intérêts moraux et matériels des professionnels qu’elles représentent, d’autres ont également, ou uniquement, des activités culturelles, des activités relatives à l’éducation artistique et culturelle, à la promotion du ou des métiers de leurs adhérents ou de leurs adhérents eux-mêmes, à la diffusion d’œuvres, à la formation professionnelle, à diverses prestations de services, etc.

Les organisations d’AA ont donc également des objets très variés.

Cette diversité des objets est parfois un libre choix, parfois elle résulte de la nécessité de diversifier leurs activités pour multiplier leurs sources de financement.

Les financements externes (hors montant des adhésions de leurs membres) des organisations d’AA varient de zéro à plus de 150 000 €. Ils peuvent provenir de l’aide financière de certains organismes de gestion collective, de subventions publiques et/ou des recettes de leurs prestations de service.

Les positions et les capacités d’action des organisations d’AA est en lien étroit avec leur mode de financement, ce qui peut parfois altérer leur indépendance.

Enfin, il existe aussi une diversité des sensibilités et des valeurs défendues par ces différentes organisations d’AA.

Cet état des lieux montre qu’à la diversité des métiers des AA, qui est d’une grande richesse, répond une grande faiblesse : celle de la multiplicité de leur représentation professionnelle, particulièrement fragmentée et hétérogène comparée aux autres milieux professionnels.

Cet état des lieux témoigne donc de la nécessité d’une meilleure structuration de la profession d’AA, si l’on veut consolider, fluidifier, voire institutionnaliser un dialogue social.

Partenaires sociaux et dialogue social

Les partenaires sociaux dans le domaine de la création artistique sont les organisations représentant les AA et celles représentant leurs partenaires économiques, notamment les exploitants de leurs œuvres.

Dans les instances délibératives des AA, les partenaires sociaux appartiennent à deux collèges distincts mais non paritaires, en raison notamment de la contribution financière réduite des exploitants des œuvres au régime social des AA et dans leur fonds de formation professionnelle.

Le dialogue social a tout à gagner à la participation systématique d’organisations d’AA dont la représentativité serait validée de façon incontestée. Ce n’est pas le cas actuellement. Il est en effet contestable de laisser au gouvernement le soin d’indiquer, de façon unilatérale, quelles organisations d’AA seraient représentatives et pourraient siéger dans les instances délibératives des AA ou dans les négociations collectives.

Aucune organisation d’AA ne s’était opposée aux élections par scrutin de listes avant leur suppression en 2018. A ce propos, le rapport IGAC-IGAS de 2013 précisait : « Les organisations syndicales et professionnelles d’artistes-auteurs demandent clairement le maintien du mode électif, qui est un élément constitutif de l’identité de leur régime. »

A ce jour, les désignations par le gouvernement des représentants dans les instances des AA ont eu pour effet de cliver nos organisations.

Les artistes-auteurs ne comprennent pas que le gouvernement décide à leur place quelles organisations les représentent dans leurs instances (rappelons qu’avant 2018, les AA élisaient leurs représentants dans leur conseil de protection sociale).

La constitution d’une assemblée plénière : un dialogue social ouvert à l’ensemble des acteurs de l’écosystème de la création artistique

Le dialogue social est l’une des composantes de la démocratie. Il désigne usuellement tous les types de négociation, de consultation ou d’échange d’informations entre, ou parmi, les partenaires sociaux et les représentants du gouvernement, sur des questions d’intérêt commun relatives à la politique économique et sociale des intéressés.

Si les instances délibératives et de négociation impliquent uniquement la participation d’organisations représentatives légitimées par le vote, il n’en est pas de même de certaines réunions, notamment d’échanges d’informations, qui devraient être ouvertes à toutes les organisations intéressées.

Les organisations d’AA qui ne seraient pas éligibles ou élues n’en sont pas moins très impliquées à divers titres dans l’écosystème de la création artistique.

Par exemple, il est regrettable que dans les réunions de présentation relative aux Travaux de l’Observatoire des revenus et de l’activité des artistes-auteurs1 la participation soit actuellement limitée aux membres désignés du conseil d’administration de la 2S2A (Sécurité sociale des artistes-auteurs), élargie seulement aux organismes de gestion collective. Ces informations concernent tous les acteurs de l’écosystème de la création artistique, et la possibilité d’y assister en visioconférence permet dans la pratique de ne pas limiter les participants.

Le cas particulier des OGC

Les organismes de gestion collective2 (OGC) sont des sociétés civiles privées qui perçoivent et répartissent des redevances de droits d’auteur, et, pour certains, ils versent aussi des redevances de droits voisins aux exploitants des œuvres.

Les conseils d’administration de ces organismes peuvent être composés d’artistes-auteurs, d’exploitants des œuvres et d’ayants droit. En effet, leurs sociétaires comportent non seulement des personnes vivantes, mais aussi des ayants droit (héritiers).

Chaque OGC gère un répertoire d’œuvres prédéfini. Un même AA peut être sociétaire de plusieurs OGC dès lors qu’il crée des œuvres relevant du périmètre d’OGC différents. Pour un AA, ne pas être sociétaire d’un OGC signifie ne pas percevoir de droits collectifs.

Ces tiers — incontournables en matière de collecte et répartition de droits d’auteur, notamment collectifs — ne sont pas des partenaires sociaux, ce ne sont pas des organisations professionnelles (ils ne représentent ni des métiers d’AA, ni des métiers d’exploitants des œuvres). Les OGC ne peuvent ester en justice qu’au nom de leurs sociétaires, non au nom des intérêts collectifs d’une profession.

Néanmoins leur rôle conséquent dans l’écosystème de la création implique naturellement qu’ils fassent partie de l’assemblée plénière.

L’assemblée plénière comprendrait, sur inscription volontaire, les organisations d’AA dont les statuts mentionnent la défense des intérêts moraux et matériels des AA (exclusivement ou non), les organisations de diffuseurs qui représentent les exploitants des œuvres, les organismes de gestion collective et divers représentants d’autres partenaires, tels que les centres nationaux (CNL, CNM, CNAP, CNM).

Parallèlement à la constitution de cette assemblée plénière, il importe de refonder dans les meilleurs délais la démocratie sociale des AA, de favoriser la structuration des organisations d’AA et de préserver le pluralisme.

De la représentation à la représentativité des organisations d’AA dans leurs instances délibératives

La « représentation » est un état de fait ou une action, toute association d’AA peut représenter ses adhérents en justice. La « représentativité » est la qualité d’une organisation d’AA à pouvoir représenter une profession au-delà de ses adhérents en raison de ses statuts et de son audience établie par voix élective. Actuellement, faute d’élections, aucune organisation d’AA ne peut se prévaloir d’être représentative.

Ailleurs (salariés, agents de la fonction publique, agriculteurs, …), la représentativité se fonde sur le critère dominant de l’influence, c’est-à-dire de l’élection. Pourquoi priver les AA de ce fondement légitime incontestable dans leurs instances délibérantes ?

La refondation des élections professionnelles des AA

Corps électoral

L’élection est ouverte à tous les artistes-auteurs et autrices affilié·es à l’Urssaf Limousin qui se seront inscrit·es sur la liste électorale avant une date fixée par le ministère compétent.

Éligibilité

Toutes les organisations qui représentent un ou plusieurs métiers d’artistes-auteurs peuvent être candidates aux élections dès lors qu’elles ont pour unique objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des artistes-auteurs et autrices mentionné·es dans leurs statuts.

À propos des critères de représentativité applicables à ces organisations, l’ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel devrait viser la date de dépôt des statuts en mairie, ou bien en préfecture pour les associations d’artistes-auteurs constituées conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901. Mais il n’est pas tenu compte de la date des éventuelles modifications de statuts de ces associations pour devenir éligibles si elles ne l’étaient pas auparavant. Leurs statuts devront simplement être conformes, à la date de dépôt des candidatures fixée par le ministère compétent.

Mode de scrutin

Les organisations syndicales et professionnelles des artistes-auteurs sont élues par scrutin de liste. Une organisation peut également se présenter seule à l’élection.

L’attribution des sièges s’effectue selon la règle de représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste.

Chaque liste obtient un nombre de sièges égal à la moyenne des voix obtenues divisée par le quotient électoral (le quotient électoral est le résultat de la division du nombre des suffrages valablement exprimés par le nombre de sièges à pourvoir par les différentes listes présentées.)

Modalité pratique :

Vote électronique.

Les caractéristiques et la date d’établissement des professions de foi des listes de candidatures en présence sont fixées par le ministère compétent. Elles sont consultables en ligne sur une même plateforme.

Périodicité

Les élections professionnelles des artistes-auteurs se tiennent tous les 4 ans.

Commentaires

Les modalités et l’organisation de ces élections professionnelles pour les AA sont simples, opérationnelles et peu coûteuses. Elles résultent d’une réflexion approfondie qui tient pleinement compte de la situation particulière des AA. Elles pourraient être mises en œuvre assez rapidement.

Corps électoral

La problématique des « élections professionnelles » des AA, pose d’emblée la question sensible et complexe de la « professionnalité ». En effet, il semble logique que seuls les AA qui exercent leur activité de création d’œuvres à titre professionnel soient électeurs.

L’Urssaf du Limousin immatricule toute personne dès le 1er euro de rémunération artistique perçu en recettes. Autrement dit, L’Urssaf Limousin collecte les cotisations sociales de tous les artistes-auteurs et autrices, et ce, qu’ils ou elles exercent à titre « professionnel » ou « non professionnel ».

L’administration fiscale précise : « Pour l’appréciation du caractère professionnel ou non d’une activité libérale, la jurisprudence administrative a défini deux critères : l’activité doit être exercée à titre habituel et constant et dans un but lucratif. Ces deux conditions doivent être remplies simultanément. ». Elle précise également : « D’une manière générale, le caractère habituel et constant de l’activité résulte de la répétition pendant plusieurs années des opérations qui la caractérisent. La circonstance que l’activité en cause puisse être exercée parallèlement à une autre profession procurant à l’intéressé son moyen principal de subsistance n’exclut pas, par principe, la reconnaissance de son caractère professionnel. » Et « La recherche d’un gain ou celle d’une clientèle doit être considérée comme établie lorsque l’intéressé utilise tous les moyens de promotion » usuels de sa profession.

Ainsi la faiblesse des revenus provenant d’une activité artistique ne suffit pas pour qualifier celle-ci de non-professionnelle. Il convient d’apprécier, au vu des circonstances de fait, si l’activité est exercée, à la fois, à titre habituel et constant, et dans un but lucratif.

On peut distinguer 3 profils d’AA :

  • Profil A : les artistes-auteurs pour qui l’activité artistique est
    la principale ou la seule activité professionnelle.
  • Profil B : les artistes-auteurs pour qui l’activité artistique est
    une activité professionnelle secondaire habituelle et constante.
  • Profil C : les artistes-auteurs pour qui l’activité artistique est
    une activité secondaire marginale, occasionnelle ou exceptionnelle.

Mais il est impossible matériellement d’examiner, pour chacun des plus de 400 000 AA immatriculés par l’Urssaf Limousin, si « au vu des circonstances de fait, l’activité est exercée, à la fois, à titre habituel et constant, et dans un but lucratif ».

En revanche, chaque AA sait dans quel profil il se situe. L’inscription libre et volontaire des AA affiliés à l’Urssaf Limousin sur une liste électorale est une solution opérationnelle qui permet de définir le corps électoral en laissant le soin à chaque AA de juger de la pertinence de son inscription à ces « élections professionnelles ».

Éligibilité des organisations

L’adhésion des AA à une organisation qui a vocation à participer à des élections professionnelles dans le but d’être qualifiée de représentative, doit avoir une cause unique, claire et homogène : celle de se faire représenter professionnellement dans les instances délibérantes et les négociations entre partenaires sociaux et/ou avec le gouvernement.

S’agissant d’établir la représentativité des organisations d’AA, comme c’est le cas dans tous les milieux professionnels, l’objet des organisations éligibles est exclusivement la représentation professionnelle c’est-à-dire la défense des intérêts moraux et matériels des professionnels qu’ils représentent.

Le caractère hétérogène des objets et la multiplicité des activités de certaines associations d’AA les rendent actuellement inéligibles. Mais si elles souhaitent participer aux élections professionnelles, libres à elles de modifier leurs statuts pour devenir éligibles.

L’objectif n’est pas d’exclure a priori certaines organisations au profit d’autres, mais de fonder solidement la représentativité des organisations d’AA conformément au droit commun, donc de renforcer la défense collective des AA.

Mode de scrutin

Compte tenu de l’état des lieux des organisations d’AA et de sa problématique particulière (fragmentation et hétérogénéité), le dialogue social gagnerait grandement à favoriser la structuration de l’écosystème de la création artistique, notamment en incitant à des convergences entre organisations, voire à des regroupements, dans le cadre d’une représentativité établie par une élection sur scrutin de listes d’organisations d’AA.

En se présentant seule à l’élection une organisation spécifique à un métier d’AA aurait de faible chance d’être élue, notamment si les effectifs d’AA qui exercent ce métier sont réduits. La possibilité d’établir des listes d’organisations par affinité encourage le pluralisme des représentations et permet de résoudre le problème complexe relatif à la diversité des périmètres des organisations.

L’expérience du passé a montré pour les AA la pertinence et l’efficacité des élections par scrutin de listes pour encourager les regroupements et veiller à la représentation des divers métiers et domaines de création des AA.

Ces élections professionnelles permettront de répartir, proportionnellement au résultat du vote, les sièges attribués à chaque liste dans leurs instances délibératives et dans les négociations les concernant.

 

Signataires :

  • AFD – Alliance France Design
  • AdaBD – Association des auteurs de Bande Dessinée
  • ATAA – Association des Traducteurs/adaptateurs de l’Audiovisuel
  • ATLF – Association des Traducteurs Littéraires de France
  • CAAP – Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et autrices
  • Charte des auteurs et des illustrateurs jeunesse
  • CIL Charte des Ilustrateurices Ludiques
  • EGBD – états généraux de la bande dessinée
  • Le trait (Région Sud)
  • Ligue des auteurs professionnels
  • SdS – Syndicat des Scénaristes
  • SELF – Syndicat des Écrivains de Langue Française
  • SMC – Syndicat français des compositrices et compositeurs de Musique Contemporaine
  • SNAA FO – Syndicat National des Artistes-Auteurs FO
  • SNAP-CGT – Syndicat National des Artistes Plasticiens CGT
  • SNP – Syndicat National des Photographes
  • SNSP – Syndicat National des Sculpteurs et plasticiens
  • STAA CNT-SO Syndicat des Travailleur·euses Artistes-Auteur·ices CNT-SO
  • UNPI – Union Nationale des Peintres-Illustrateurs
  • USOPAVE – Union des Syndicats et Organisations Professionnels des Arts Visuels et de l’Écrit.

Notes